"Dans les personnages de Dostoïevski, il se passe une chose assez curieuse très souvent. Généralement, ils sont très agités, hein ! Un personnage s’en va, descend dans la rue, tout ça comme ça, et dit “Une telle, la femme que j’aime, Tania, m’appelle au secours, j’y vais, je cours, je cours, oui, Tania va mourir si je n’y vais pas“. Et il descend son escalier et il rencontre un ami, ou bien il voit un chien écrasé et il oublie complètement. Il oublie, il oublie complètement que Tania l’attend, en train de mourir. Il se met à parler comme ça, il se met…, et il croise un autre camarade, il va prendre le thé chez le camarade et puis tout d’un coup, il dit “Tania m’attend, il faut que j’y aille“. Mais qu’est-ce que ça veut dire ces … hein voila. Chez Dostoïevski, les personnages sont perpétuellement pris dans des urgences, et en même temps qu’ils sont pris dans des urgences, qui sont des questions de vie ou de mort, ils savent qu’il y a une question encore plus urgente, ils ne savent pas laquelle, et c’est ça qui les arrête. Tout se passe comme si dans la pire urgence, il y a le feu, il y a le feu, il faut que je m’en aille, je me disais, non non il y a quelque chose de plus urgent, quelque chose de plus urgent, et je ne bougerai pas tant que je le saurai pas. C’est l’idiot ça ; c’est l’idiot, c’est la formule de l’idiot. Ah !, mais vous savez, non non, il y a un problème plus profond, quel problème ? je ne vois pas bien, mais laissez-moi, laissez-moi, tout peut brûler, sinon quand on arrive, il faut trouver ce problème plus urgent. Cela c’est par Dostoïevski que Kurosawa l’apprend, tous les personnages de Kurosawa sont comme ça (...), ils sont pris dans des situations impossibles. Ah oui, mais attention, il y a un problème plus urgent, il faut que je sache quel est ce problème."
14 April 2020
Qu'est-ce que l'acte de création?
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